lundi 21 octobre 2013

Lettre à toi qui n'a pas pu venir à Saint-Jean de Braye les 18 et 19 octobre 2013

ȺMénageons notre territoire.

Nous avons bien reçu ton message, tu aurais bien voulu venir mais ton emploi du temps, tes obligations personnelles ne te l'ont pas permis. Voici donc un aperçu de ce que tu aurais pu vivre avec nous qui te donnera envie, on l'espère, de te libérer pour venir aux prochaines manifestations...

Tout d'abord, le vendredi soir.


Il aurait fallu que tu viennes vraiment à l'heure pour avoir une place assise: tous les sièges de la salle Jean-Baptiste Clément étaient pris. Une centaine de personnes étaient là pour rencontrer Hervé Kempf.

Bien sûr, tu connais ce journaliste infatigable qui a décidé dès 1986 de se consacrer aux questions écologiques. Après 15 ans au « Monde », il est désormais rédacteur en chef du quotidien de l'écologie reporterre.net.

Mais ce site, tu le connais déjà puisque nous le citons régulièrement sur ce blog. C'est aussi grâce à son soutien que nous en sommes là aujourd'hui: dès le début de notre mobilisation, notre premier communiqué de presse était repris sur reporterre.net et relayait notre pétition. Ce qui, tu t'en souviens, nous a conforté dans notre détermination!



Mais revenons à Hervé Kempf. Il est également l'auteur de plusieurs ouvrages:

  • Comment les riches détruisent la planète (2007)
  • Pour sauver la planète, sortez du capitalisme (2009), 
  • L'oligarchie ça suffit, vive la démocratie (2011)
  • Fin de l'Occident, naissance du monde (2013).
C'est de ce dernier livre dont il a été question ce soir-là.

Ce qu'on a retenu, c'est que nous sommes arrivés au pied d’un « mur écologique », que nous devons désormais négocier avec la nature. Qu'une petite partie des gens concentrent tous les pouvoirs (politique, médiatique et économique) et que les personnes les plus pauvres le sont de plus en plus.
Il faudrait donc davantage réguler l'activité des grands groupes, réduire fortement les inégalités, changer de modèle culturel, réduire la surconsommation. Accéder à une économie écologique, où la coopération serait à l’œuvre au service de l'intérêt collectif.

Et c'est là que Hervé Kempf a fait le lien avec ce projet de « Village-Oxylane - Décathlon » que notre collectif conteste: il est temps d'arrêter le gaspillage des biens de consommation comme celui des terres agricoles !

Tu aurais pu participer au débat qui a suivi cette conférence, et prolonger ces échanges autour d'un verre.

Cette soirée fut aussi l'occasion de faire signer la pétition papier. Avec la pétition en ligne, nous réunissons 1450 signatures.

Et maintenant le samedi :
Bon. Samedi matin, c'était une réunion « privée » réservée aux différents collectifs invités. On ne peut pas tout te dire mais des idées pour faire converger nos luttes, on a eues ! Tu les découvriras au fil de ces semaines. Prévois déjà cette date : le dimanche 8 décembre, journée mondiale contre les grands projets inutiles ... 

Tu aurais pu rencontrer ces collectifs lors du pique-nique copieux organisé à la salle de la Picardière. Il y avait Alain, Bernard et Blaise du collectif pour le Triangle de Gonesse, qui venaient d'Ile de France ...
... Marie, Tatiana, Anthony et Mathieu pour la Ferme des Bouillons à côté de Rouen, Vincent pour les Terres de la Voguette qui avait traversé la France depuis Cavaillon pour nous rejoindre. L'agriculteur qui cultive la plus grande partie des 25 hectares de ce site était également présent.

A 14h 30, lors de la table ronde « Une autre ville est possible » suivie par une quarantaine de participants, ces collectifs ont pris la parole pour témoigner de l'état de la lutte chez eux. La palme du projet le plus délirant a été remporté par le projet « Europa City », contesté par le collectif pour le Triangle de Gonesse : il s'agirait pour Auchan de construire rien de moins que le plus grand centre commercial du monde, sur 80 hectares de terres particulièrement fertiles...


Dans la catégorie « espoir », notons le témoignage de la Ferme des Bouillons : cette ferme, menacée de démolition par IMMOCHAN, est occupée depuis bientôt un an : on y pratique la culture dans les 2 sens du terme : culture de la terre et lieu culturel avec une programmation très riche. Les élus sont revenus sur leur position et bien que le permis de démolir courre toujours, le PLU va être modifié pour que la zone concernée soit classée en zone agricole, empêchant ainsi la construction d'un centre commercial. Leur association compte plus de 600 adhérents et leur pétition a déjà recueilli plus de 7000 signatures...

Dans la catégorie plus c'est gros plus ça passe, voici l'histoire de Cavaillon : depuis 10 ans ces citoyens se sont mis en route contre un projet de centre commercial Auchan (encore!) sur 30 hectares, sur des terres irrigables mais aussi inondables, du côté de Cavaillon. Ce sont à l'époque des petits commerçants qui se sont indignés contre ce projet : le centre-ville avait déjà subi de nombreuses fermetures de commerces à cause de la grande distribution. Le collectif s'est reconstitué il y a un an et a planté des tournesols qui sont justement aujourd'hui en train d'être ramassés. Le délire des élus est maintenant de construire une digue (7 millions d'euros) pour sortir ces terres de la zone inondable et permettre à Auchan de construire son hypermarché.

Tu connais notre lutte, nous t'épargnons donc la présentation de notre collectif.


Sur un panneau mural, nous avions mis en évidence la convergence de nos luttes. En voici la retranscription au format pdf...

La phrase « si tu veux parler du monde, parle d'abord de ton village » résume bien le sentiment de ces échanges :

Partout il y a un vrai problème de démocratie : la population est mise devant le fait accompli, tout au mieux est-elle invitée à participer à l'enquête publique qui a lieu très tard, quand le projet est déjà très avancé. Et tant pis si on ne voit pas bien l'intérêt général de ces projets. On veut bien nous demander notre avis pour faire des modifications ridicules, mais remettre en cause le sens de ces aménagements, non !

Les promesses mirifiques sur le nombre d'emplois sont récurrentes, les nuisances sur l'environnement à chaque fois minimisées et les conséquences de la destruction de terres fertiles totalement ignorées.

Tu aurais alors pu entendre l'intervention de Françoise, de Terre de liens, mouvement citoyen dont on t'a déjà souvent parlé puisqu'ils nous ont aidés à rédiger une proposition agricole sur le site. Et celle de Julien, de l'association Châteauneuf en transition, qui nous a fait réfléchir sur les changements d'habitudes dans nos vies que la raréfaction du pétrole va rendre incontournables.
Là aussi, tu aurais pu participer au débat qui a suivi, puis à la visite du site : quand on arpente ce chemin au milieu des champs, on est tout de suite saisi par l'absurdité de saccager ce paysage. 



Tu aurais toi aussi pu accrocher un petit morceau de tissu blanc avec ton vœu à la branche du jeune saule que nous avons choisi pour symboliser notre volonté de préserver ce site.  

Et après cette belle balade sous un ciel clément, tu aurais terminé la journée en musique, à écouter les délicieuses mélodies de Serge et Magda Léna... 
Bref, tu aurais pu vivre un bon moment, vraiment.

NB : merci Barnabé Binctin pour avoir inspiré la forme de cet article... leBlogger