Deux-trois chiffres sur un tract
Le 28 mai, nous étions plusieurs représentants de SPLF45 assis dans la partie réservée au public au-dessus de l'hémicycle.
Ces quelques places en surplomb sont au conseil métropolitain ce que le poulailler (appelé aussi le paradis) est au théâtre.
Nous étions donc aux premières loges pour assister à une heure et demi de débat provoqué par «deux-trois chiffres sur un tract» comme l'a dit M. Olivier Carré. Avec ses empoignades et ses coups de théâtre.
La presse ayant relaté assez fidèlement ce qui s'est passé (lire à la fin de ce billet) nous n'y reviendrons pas par le menu.
M. Jean-Philippe Grand a ouvert les hostilités en rappelant que le filon de la vacance résidentielle n'était pas exploité par le SCoT qui s'en remet au marché de la construction pour répondre aux besoins de logements.
Plus tard Michel Ricoud abondera dans son sens.
Le coup de théâtre de Serge Grouard
A la stupéfaction de l'hémicycle, Serge Grouard s'est emparé des «deux-trois chiffres sur un tract» pour faire entendre sa petite différence.
Après une grosse demi-heure de résistance pour rappeler que «nous allons droit dans le mur», M. Grouard a rejoint la place passager du véhicule fou par «solidarité» pour sa famille politique : il votera finalement «pour».
Même pas une petite abstention de défiance.
On a compris que l'incartade de M. Grouard s'inscrivait dans une stratégie électorale (les futures municipales) et non dans la lutte qui oppose la société civile à l'inaction des politiques.
Rideau !
Le réalisme de MM. Baude et Schlesinger s'arrête où commence le SCoT
«En bon défenseur du texte, Laurent Baude, vice-président en charge de l’agriculture urbaine et péri-urbaine et maire de Semoy, a repris de volée Serge Grouard. “Certains nous invitent à un objectif de zéro artificialisation nette, d’ici 2030. Je suis étonné que certains élus de haut niveau n’aient pas une certaine forme de réalisme. Je suis aussi étonné qu’il y ait des élus qui découvrent ce texte.» (Mag'Centre - Le SCOT toujours sujet à débat au conseil métropolitain d’Orléans Métropole)
Se voulant saignant, M. Baude a affirmé après M. Schlesinger que le SCot réduisait de 50% la consommation d'espaces naturels et agricoles.
Puis il a contesté que l'artificialisation fasse disparaitre en France l'équivalent d'un département tous les dix ans. Selon lui, "aujourd'hui, faites le calcul, c'est six fois moins".
Sur le premier point, le SCoT a ramené la consommation des terres à 45 ha/an. Elle avait été de 71 ha/an au cours des deux dernières décennies. Avec une simple calculette on constate que la limitation n'est donc pas de 50% mais de 36%.
France entière, un département continuerait de disparaitre non pas tout les dix ans mais tous les 15 ans avec une telle «limitation».
Voila la réalité que les concepteurs du SCoT ne veulent pas voir.
Le véhicule qui «va droit dans le mur» à 150 km/h a donc réduit sa vitesse de 54 km/h. Nous espérons que M. Grouard a bien attaché sa ceinture de sécurité.
Sur le second point, deux articles nous permettent d'affirmer que M. Baude se trompe totalement quand il affirme que l'artificialisation a été divisée par six aujourd'hui :
- un article de l'Insee nous apprend que l'artificialisation des sols reste en constante augmentation, et que les terres agricoles diminuent de façon corrélée. Insee : Indicateurs de richesse nationale - Artificialisation des sols (lien en bas de page).
- selon l’Observatoire national pour la biodiversité (ONB), depuis 2006, la France métropolitaine a perdu 590.000 hectares . En à peine dix ans c'est l’équivalent d’un département grand comme la Seine-et-Marne qui a été perdu pour l’agriculture et les écosystèmes.
Il est vrai qu'à partir de 2009, l'augmentation de l'artificialisation s'est ralentie passant d'un rythme annuel de + 1.9 % entre 2006 et 2009 à 1,1% les six années suivantes, ramenant l'artificialisation à 53 888 ha/an . Mais nous ferons deux observations :
- après une baisse en 2011 (48 830 ha) l'artificialisation est repartie à la hausse à partir de 2013 (56 875 ha)
- ce rythme ralenti (1,1%) permettrait de consommer un département grand comme la Seine-et-Marne non plus tous les neuf/dix ans mais tous les onze ans.
Le réalisme de MM. Schlesinger et Baude s'arrête où commence le SCoT.
Le poids du SCoT contre celui d'un petit tract
Après quelques interventions en faveur du SCoT, M. Olivier Carré porte l'estocade finale : il serait inconcevable que deux-trois mots sur un tract viennent stopper net un travail long de 5 ans.
Réfléchissez-y mesdames et messieurs les élus.
Et de brandir la version papier du SCoT, lourde de plusieurs centaines de pages.
Notre petit tract qui pèse 5 grammes tout mouillé ne ferait pas le poids.
Et si nous mettions sur les plateaux de la balance d'un côté les derniers rapports du GIEC et et de l'IPBES (la plateforme scientifique mondiale sur la biodiversité) et notre tract, de l'autre le SCoT d'Orléans Métropole, de quel côté va pencher la balance à votre avis ?
Nos deux-trois mots jetés sur un tract s'appuient sur ces rapports, et sur les objectifs qui en découlent logiquement : «zéro artificialisation nette» et «neutralité carbone» assorti d'un facteur 6 minimum.
Que le SCoT, établi pour les 20 ans à venir, n'intègre pas ces deux objectifs est tout simplement sidérant.
Un QCM pour le conseil métropolitain
Dernier argument massue de Olivier Carré : nous n'aurions pas lu le SCoT et tous les trésors enfouis qu'il recèle. La métropole va devoir faire œuvre de pédagogie.
Apparemment convaincus, les élus ont finalement voté presque comme un seul homme en faveur du SCoT. Six élus ont voté contre, une élue s'est abstenue.
Mais M. Olivier Carré qui excelle à lire les notes que lui ont préparées ses services techniques a-t-il lu lui-même l'intégralité du SCoT ?
Et les élus l'ont-il bien lu ?
Nous proposons qu'un organisme compétent - comme la Mission Régionale de l'Autorité environnementale par exemple - prépare un QCM ou un QUIZZ d'une vingtaine de questions sur le SCoT et que le conseil métropolitain accepte d'y répondre.
Ce serait un beau test sur le fonctionnement démocratique de nos institutions. M. Olivier Carré est-il d'accord pour relever le défi ?
Nous leur conseillons de réviser la question de l'articulation des documents de planification et la prééminence du SRADDET sur le SCoT...Question qui n'a fait l'objet d'aucun débat mardi soir.
Pour en savoir plus :
Notre lettre aux élus se trouve ici ainsi que notre communiqué de presse :
http://splf45.blogspot.com/2019/05/communique-de-presse-du-23-mai-2019.html
Articles dans la République du Centre:
L'aménagement de la Métropole d'Orléans a été voté pour les vingt prochaines années... et il ne fait pas que des heureux parmi les élus
Manifestation devant la mairie d’Orléans: ils ne veulent plus que la Métropole s’en "prenne aux terres agricoles"
Pourquoi la passe d'armes de mardi soir entre Serge Grouard et Olivier Carré pourrait laisser des traces
Article de Mag'Centre :
Le SCOT toujours sujet à débat au conseil métropolitain d’Orléans Métropole
Article Insee :
Indicateurs de richesse nationale - Artificialisation des sols
Article Observatoire nationale de la biodiversité
Artificialisation du territoire et étalement urbain : encore 56 000 hectares de terres agricoles et de zones naturelles perdues en 2015
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