mercredi 29 janvier 2014

L'enquête publique, une procédure peu démocratique.

Le commissaire rapporteur a rendu sans surprise un avis favorable au projet Oxylane.
C'est un motif de satisfaction pour l' Agglo et la mairie de Saint-Jean-de-Braye, pas pour la démocratie locale qui en sort affaiblie. 

Un projet décidé de façon non-démocratique.

Le projet Oxylane s'est développé dans le huis clos et les arcanes de l’intercommunalité. 
L’avis favorable rendu par le commissaire enquêteur est la victoire d'une démocratie intercommunale plus « censitaire » que « représentative » (voir le mode de désignation des élus qui siègent à l'agglo).
De surcroit, les règles de fonctionnement de l'intercommunalité favorisent les décisions anti-démocratiques et corporatistes des maires. Le projet « Village Oxylane » ne fait pas exception à la règle.
Lire à ce sujet notre article  Le projet Oxylane à l'épreuve de la démocratie locale ...
Et aussi le compte-rendu de lecture du livre 
« La politique confisquée » de Fabien Desage et David Guéranger par Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret.

Dans le rapport, la mairie réaffirme que le projet a été conçu grâce à une concertation en amont.
Les petites chambres d'enregistrement que constituent les ATU seraient la preuve que la population a participé à la conception du projet.

Il faut une bonne dose de cynisme pour avancer que ce projet est né dans les bras de la démocratie participative. Il nous semblait l'avoir aperçu dans ceux de la grande distribution prédatrice et de la précédente municipalité.   

L'enquête publique ou comment recueillir les avis d'un public fantôme
Celui qui est visé par l’enquête publique et qui lui confère tout son sens est le public. Si les enquêtes relevant du code de l’expropriation s’adressent généralement à des personnes identifiées, les enquêtes environnementales, dont il est question ici, ont pour objet d’informer tout le public et de recueillir ses appréciations, suggestions et contre-propositions.(Les acteurs de l'enquête publique - UVED)
Malgré tout le mérite de l'enquête publique - elle a celui d'exister -  la démocratie qu'elle promeut est aussi fictive que son public.

Car c'est bien connu, si le public est la vedette de l'enquête publique
sur le papier, dans la vraie vie c'est un public fantôme. 

En témoigne le faible nombre de personnes qui s'expriment spontanément lors des enquêtes publiques.
Et sans le travail obstiné de SPLF45, la collecte des avis sur le projet Oxylane aurait été bien maigrelette.
 
Et comment en serait-il autrement ?


Le dossier de l'enquête publique du projet Oxylane est rédigé et financé par le pétitionnaire, quand les expertises ne sont pas confiées et financées par Oxylane lui-même.
En matière d'objectivité de l'information, on a vu mieux.

Ce dossier d' « information » consiste en un volumineux dossier technique indigeste, inaccessible à la plupart de nos concitoyens.

Tous les enjeux politiques en sont absents.  L'approche est purement technicienne et gestionnaire.

Le développement durable n'y est invoqué que pour répondre à l'obligation légale d'en faire état. Les convictions écologiques de la mairie sont de pure façade et opportunistes, élections et alliances électorales obligent.

Quelle formation est dispensée à la population - autrefois on appelait ça l'éducation populaire - pour qu'elle puisse comprendre, s'emparer des enjeux et prendre part aux décisions localement ?
La participation ne se réduit pas à l’information ou même à la concertation car le citoyen doit être un acteur, pas un spectateur, et il ne suffit pas que le public « participe à un débat » pour prétendre qu’il choisit son avenir alors qu’il n’a pas réellement participé à la décision.(Des conventions de citoyens pour la démocratie - Jacques Testart - lire en fin d'article La participation ne se réduit pas à l’information)
Toute personne, il est vrai, peut participer sans restriction d’âge, de nationalité, de lieu de résidence, de capacité ou de compétence. Mais le Public doit en rabattre lorsqu'il s'agit d'engager un recours contentieux puisque « seules les personnes ayant un intérêt à agir peuvent demander l’annulation d’une décision prise après une enquête publique.»

Il y a encore moins important que l'avis du Public

C'est l'avis du commissaire enquêteur rendu à l'issue de la consultation. 
Qu'il soit favorable ou non, l'autorité compétente n'est pas tenue de tenir compte de l'avis du commissaire enquêteur.
C'est si vrai que les tractopelles d'Oxylane s'ébattaient dans le pré avant que l'avis du commissaire enquêteur n'ait été rendu public.
Lire notre article 
Diagnostic archéologique, fouilles préventives : quid de l'avis du commissaire enquêteur ?

Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que les puddings technico-administratifs intitulés « dossiers d'enquête publique » soient si peu lus et suscitent si peu d'avis du Public.

D'autant que les bulletins de la municipalité et de l'Agglo distribués gratuitement à longueur d'année - comme la presse gratuite dans le métro - sont là pour diffuser la bonne parole et l' « information à retenir ».
Dormez tranquilles braves gens,  « Ici l'Agglo travaille pour vous »

Du recueil des appréciations, suggestions et contre-propositions du public à leur restitution.
 
L'analyse du commissaire doit porter sur l'intégralité des observations et contre-propositions recueillies au cours de l'enquête même s'il n'est pas tenu de les faire figurer in-extenso dans son rapport.

Sans juger ici de l'objectivité et de l'exhaustivité du rapport, nous remarquons que les avis du public sont renvoyés en annexe et résumés en quelques lignes, alors que le pétitionnaire a un droit de réponse dont il use et abuse. Ses réponses ne font l'objet d'aucun résumé, ne sont pas renvoyées en annexe : elles s'étalent au kilomètre dans le rapport. 

Et si le Public voit ses avis portés à la connaissance du pétitionnaire pendant l'enquête, il ne prend connaissance des contre-arguments de la mairie ... qu'avec l'avis favorable du commissaire. C'est ce qu'on appelle un débat bien mené.

Pourtant il y aurait eu matière à réagir. Quelques perles pour une mise en bouche :

A l'argument du vieillissement de la population, la mairie répond 
Contrairement à ce qui est rapporté dans le registre, les sexagénaires représentent une population dynamique, qui pratique un grand nombre de disciplines sportives et de loisirs, au premier rang desquelles la marche. Cette population représente un potentiel important (silver économie, consommateurs et sportifs utilisateurs).
Ce qui est « rapporté dans le registre" est pourtant ce qu' établit une étude de l'INSEE. Lire notre article "Décathlon , le système J...comme jeunesse"

Quand à la « silver économy", c'est la toute dernière trouvaille de nos dirigeants nationaux pour relancer la croissance. Transformer les seniors en consommateurs. Après la réduction drastique de leur retraite, on fait appel à eux pour relancer l'économie. Cherchez l'erreur.

« Cette population représente un potentiel important"
La mairie fait-elle de la politique ou des études de marché sur les seniors ?

Pour en savoir plus sur la silver économy, lire l'excellent billet de Jean Gadrey La silver economy, ou comment les vieux vont sauver la croissance

Nous ne passerons pas en revue tous les « nouveaux arguments » de la mairie.

La privatisation d'un partie du domaine public est toujours présentée comme une opération d'intérêt général, les terres de la Bissonnerie comme pauvres et bonnes à jeter aux mains des promoteurs. 
On reconnaitra la vieille distinction productiviste entre terres riches et juteuses, celles qu'il faut subventionner (comme par hasard elles sont souvent aux mains des grandes fortunes) et terres pauvres qu'on laisse en jachères ou qu'on vend aux grandes surfaces. Cette distinction a fait de certaines de nos régions des déserts agricoles.


Annexe de l'article : 

 * La participation ne se réduit pas à l’information
La participation ne se réduit pas à l’information ou même à la concertation car le citoyen doit être un acteur, pas un spectateur, et il ne suffit pas que le public “participe à un débat” pour prétendre qu’il choisit son avenir alors qu’il n’a pas réellement participé à la décision. De véritables leurres démocratiques sont souvent agités par le pouvoir politique pour résoudre les contradictions entre les projets qu’il veut imposer et les choix de la société, particulièrement à propos d’innovations technologiques. Ainsi, que ce soit pour la culture de plantes transgéniques, le tracé d’une autoroute, l’implantation d’un incinérateur, l’escamotage des déchets nucléaires, la dissémination de produits potentiellement dangereux, le pouvoir local ou national promet “d’informer” le public et de le “consulter”. Ces démarches, outre le fait qu’elles interviennent presque toujours alors que les décisions ont déjà été prises, ont peu à voir avec une participation effective. Elles utilisent les arguments d’autorité des “experts” officiels et ignorent les divergences entre savoirs technoscientifiques comme la pluralité des analyses provenant de savoirs non techniques. De plus, les élus de bonne foi restent incomplètement informés tant leurs compétences sont débordées par les avancées rapides de la techno science et ils ne peuvent alors que faire écho aux arguments portés par des groupes d’intérêt puissants, c’est-à-dire presque toujours pencher du côté de l’acceptation de l’innovation.
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