samedi 21 septembre 2013

Oxylane ou la nature détournée

Les décideurs de l'AgglO orléanaise et de la mairie de Saint-Jean-de-Braye se sont laissés séduire par l'image commerciale d'Oxylane et sa « thématique immuable » : « sport, santé, bien-être » .
L'entreprise se pique d'avoir engagé une démarche de développement durable et de développer
une politique de Responsabilité Sociétale de l’Entreprise (RES).
 

Le site « Business & développement durable » confirme : 

« Oxylane-Décathlon s'est engagée à fond dans le développement durable »
« Les efforts en terme d’éco-bâtiments, d’éco-conception de ses produits ou d’éco-packaging sont le témoin d’une démarche environnementale sincère.» nous dit l'article de B & DD.

Démarche environnementale sincère ou greenwashing * ? 


* greenwashing : écoblanchiment, verdissage de son image par une entreprise

 Il y a deux sortes de greenwashing :

1. celui constitué par des informations mensongères * :

- Il n'y a rien d'écologique dans le produit ou le service vanté comme tel.
- La démarche de développement durable vantée n'existe pas.

* Voir le Guide anti Greenwashing de l 'ADEME - page 8

2. celui plus subtil qui joue des relations publiques c'est à dire de « l' ensemble des méthodes et des techniques utilisées par des groupements (entreprises, syndicats, partis politiques, États) et par des groupements d'intérêts, pour informer le public de leurs réalisations, promouvoir leur image de marque, susciter de la sympathie à leur égard » (voir article wikipedia sur le greenwashing)

Sur le premier point : Décathlon n'utilise pas les procédés mensongers décrits dans le guide de L'ADEME mais nous y reviendrons.
 
Sur le second point : Décathlon a adopté la stratégie de l'ensemble de la grande distribution : ouvrir ses rayons à quelques produits éco-conçus et satisfaire ainsi sa clientèle écologiste et même sa clientèle tout court en faisant passer ce message subliminal : l'enseigne est favorable au développement durable.

Ce qui ne mange pas de pain et n'empêche pas d'écouler sur le marché une majorité de produits non écologiques (lire notre article
Des sous-traitants pas à fond la norme), à l'utilité plus ou moins avérée, certains relevant du gadget.

Certaines vestes polaires sont composés de polyester dont les deux tiers proviennent de bouteilles en plastique recyclées et un tiers de fils recyclés.
Cela fait chaud au coeur. Même si le recyclage des bouteilles plastiques ne remet pas en cause le non-sens de l'eau vendue en bouteille...
Certaines chaussures ont la particularité de posséder une semelle composée à 15% de coquilles d'huîtres recyclées !
C'est bon pour la « la santé durable par les pieds », dernier combat d' Oxylane -Décathlon en faveur de la durabilité.

Sous les neiges éternelles du Mont Blanc ou de l' Himalaya, les déchets

Mais revenons au premier point.
Ce qui est en cause dans les annonces publicitaires de Décathlon, ce ne sont pas les « mensonges » sur la qualité écologique de tel ou tel produit mais la présentation de tous les produits (éco-conçus ou pas) sur fond de nature sauvage et préservée.
Le
« mensonge » porte sur le décor lui-même - l'environnement - qui fait oublier que les produits plus ou moins naturels vendus par Décathlon répondent avant tout aux besoins du business du sport, du loisir et du tourisme et que partout la nature souffre des activités humaines débridées organisées par ces trois industries.

Le journal Le Point - « La mer de Glace, un dépotoir à ciel ouvert » -  rapporte qu'une centaine de personnes ont ramassé près de trois tonnes de déchets à la faveur de l'érosion du plus grand glacier français.
« Je ne m'attendais pas à récolter autant d'ordures, raconte Erwan, 24 ans. J'ai trouvé des dizaines de cannettes de bière, des morceaux de tente, une gourde, une pièce de 1 franc, des bribes de chaussures, et même une cartouche de fusil. »

Le journal France-Soir - « Nepal - 17 tonnes de déchets évacués de l'Himalaya » - nous apprend que « 17 tonnes de déchets viennent d'être évacuées par avion dans la région de l'Everest. Canettes de bières, bouteilles vides, emballages plastiques...la grande majorité des déchets proviennent des milliers d'alpinistes et trekkers qui chaque année affrontent le toit du monde.»

Au service du développement durable...et des compagnies aériennes...

Mais pourquoi évoquer le Népal, c'est si loin d' Oxylane ?
Pas si loin que ça... 


 
Les liens entre Décathlon et les agences de voyages ne datent pas d'aujourd'hui.
Le magazine de la grande consommation en France
« LSA » nous apprend sur son site que même si l'expérience a tourné court, « Décathlon Voyages a fait partie du package de « grandes innovations en matière de services » imaginé au milieu des années 1990 par l'enseigne du groupe Mulliez. »

Des bilans carbone qui exonèrent les entreprises de leurs responsabilités

Le Groupe se vante de mener une démarche de réduction des Emissions de Gaz à Effet de Serre pour Décathlon et Décathlon France et joue la transparence en publiant ses résultats . Il s'agit de ceux exigés par la loi et une partie importante de l'activité des établissements échappe au bilan carbone.

Dans le même temps un
« Village Oxylane » invite au voyage aérien vers le Népal.

Un article de l'INSEE nous informe que « les émissions de gaz à effet de serre (GES) des transports à l'international, maritimes ou aériens, ne font pas l'objet d'engagements chiffrés de réduction. Or, elles représentent en 2010 l'équivalent de 4,5 % des émissions françaises et près de 6 % des émissions de l'UE-27. Elles sont en hausse ; celles du trafic aérien ont pratiquement doublé en vingt ans, en France comme en Europe. »

Seuls les passagers des compagnies aériennes seraient responsables ? Et ces émissions de GES devraient figurer à leur Bilan Carbone Personnel ?

Peut-être qu'une petite part de l'émission des GES aériens relève de la responsabilité d' Oxylane et pourrait figurer aussi à son bilan carbone ?

Politique de
« Responsabilité Sociétale de l’Entreprise » ou  fairwashing ** ? 

** fairwashing : blanchissement éthique, maquillage  de justice sociale 

Les superbes images publicitaires de Décathlon ne nous disent rien sur les conditions économiques et sociales dans lesquelles sont fabriqués les produits dans les pays du Sud.

Oxylane nous avertit dans une de ses brochures :

« Sur le thème de la qualité sociale, Oxylane a toujours défendu une position parfaitement claire et ferme avec l’ensemble de ses équipes travaillant dans tous les pays (quelque 500 collaborateurs travaillent directement dans les pays de production).
Depuis 2002, une Charte sociale a été mise en place.
»
 

« Imposer un code éthique, c’est bien. Arriver à le faire appliquer, c’est mieux. » comme le souligne un article du Nouvel Économiste (Éthique sociale des sous-traitants étrangers - De la coupe aux lèvres)

Décathlon a été épinglé en 2004 par le collectif « De l'éthique sur l'étiquette » dans une évaluation des principales enseignes de distribution d'articles sportifs relative aux conditions de travail en vigueur chez leurs fournisseurs, en particulier l’usine thaïlandaise MSP Sportswear. 


Selon Attac 45, « Décathlon, a fait mener un audit chez MSP Sportswear en décembre 2004. Cet audit a été suivi en janvier 2005 d’une mission en Thaïlande de la Responsable de la qualité sociale, durant laquelle une rencontre a eu lieu avec le CLIST. Mais les informations issues de cette mission restent confidentielles et il semble bien qu’aucune suite favorable ne soit donnée aux revendications des ouvrières et de leurs partenaires internationaux. »


Rapporté par le Nouvel
Économiste : « une enquête du quotidien Libération  chez le sous-traitant indien KPR à Arasur, publiée samedi 18 septembre 2010, décrit des conditions d’hygiène et de sécurité dangereuses. Travail des enfants, cadences trop élevées, mise en danger du personnel, absence de syndicats, discriminations  hommes/femmes. »

Sollicité par le
Nouvel Économiste, Décathlon (Oxylane) , qui se fournit auprès de KPR, « ne souhaite pas s'exprimer dans le cadre de ce dossier »

Voila pour la position parfaitement claire et ferme d'Oxylane-Décathlon.

La Charte sociale d'Oxylane s'appuie sur la déclaration des droits de l'homme et se donne notamment pour exigences la lutte contre le travail forcé, le contrôle des salaires.


Mais la présence de Décathlon-Oxylane au Bangladesh a peu à voir avec les droits de l'homme et la philanthropie.


Le site
« Déclaration de Berne » l'explique : 

« Les accords multifibres qui régulaient, par des quotas, le commerce international dans la filière textile ont expiré en 2005. Suite à cela, la compétition internationale s’est accentuée. Le Bangladesh en tant que pays de production disposant de bas salaires est particulièrement compétitif. (...) Même les marges pour les fabriques sont en règle générale très basses. Il n’est donc pas étonnant que dans les dernières dix années aucun investissement n’ait été réalisé pour les infrastructures et la sécurité des bâtiments. »

Le journal
« L' Éco du Nord » s'interroge sur le « silence des distributeurs nordistes » depuis l'effondrement le 24 avril 2013 d'un immeuble hébergeant des entreprises de confections textiles dans la banlieue de Dacca au Bangladesh.
Des étiquettes de la marque « In extenso » (Auchan) ont été retrouvées dans les décombres.

Questions : qu’apportent Auchan et Oxylane-Décathlon au Bangladesh : de l’aide au développement durable ? 
Ont-ils les moyens de contrôler tous leurs sous-traitants , avec quelle armée d' « inspecteurs du travail »
 
Oxylane ou la nature détournée

Aujourd'hui à l'heure du rejet des grandes surfaces par les Français, le groupe Mulliez a eu l'idée géniale de transformer ses surfaces de vente en petits villages immergés dans la nature.
En s'appropriant au besoin des terres agricoles actuellement exploitées.
Il fallait y penser ! La meilleure campagne de pub en faveur des Villages Oxylane, c'est la campagne elle-même !
La nature détournée pour une publicité grandeur nature en quelque sorte.
Des frais de publicité qui nous paraissent un peu coûteux pour l'environnement.
Et qu'en sera-t-il quand la concurrence se mettra au diapason ? 

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Vidéo d'Envoyé spécial du 19/09/13 : la vidéo n'est plus disponible.
Lire la présentation :
Textile: mode toxique ? et notre article Des sous-traitants pas à fond la norme.
 A lire aussi :

Oxylane-Décathlon s'est engagé à fond dans le développement durable - Business & développement durable

Guide Anti Greenwashing - ADEME . Ce guide réalisé par "des pros pour des pros" s'adresse aux entreprises et à leurs annonceurs.

La mer de Glace, un dépotoir à ciel ouvert - Journal Le Point 


Nepal - 17 tonnes de déchets évacués de l'Himalaya - Journal France-Soir

Décathlon ferme son agence de voyages LSA - Magazine de la grande consommation en France

Démarche de réduction des Émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) d' Oxylane - sur son site de présentation

Émissions de gaz à effet de serre du trafic international aérien et maritime INSEE dans Les indicateurs de la stratégie nationale de développement durable 2010-2013

Bilan Carbone® Personnel ADEME, MANICORE

Éthique sociale des sous-traitants étrangers :
De la coupe aux lèvres - Le Nouvel Économiste (article incomplet car réservé aux abonnés

La politique de Responsabilité Sociétale de l'Entreprise (RES) - brochure Oxylane, page 34


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